La présence irlandaise à Portneuf

La présence irlandaise à Portneuf

Cette année, la ville de Portneuf célèbre le 150e anniversaire de son érection canonique. Dans le cadre de nos capsules historiques hebdomadaires, nous soulignons la présence de la communauté irlandaise dont l’histoire est inextricablement liée à celle de la paroisse de Portneuf.

 
Il faut reculer jusqu’aux alentours de l’année 1820 pour voir l’arrivée d’Irlandais dans le voisinage de l’actuelle municipalité de Portneuf, qui faisait alors partie de la paroisse de Cap-Santé.
 
Suite au Décret de Berlin du 21 novembre 1806 et du Décret de Milan du 17 décembre 1807, l’empereur Français Napoléon Bonaparte ferme toutes les côtes de l’Europe aux navires anglais. Tributaire de sa flotte pour commercer et guerroyer, l’Angleterre se trouve alors à court de bois d’œuvre pour construire des navires. Elle se tourne alors vers ses colonies d’Amérique pour la fournir en matériaux. Profitant d’une occasion d’affaires en or, John Coltman (qui loue la seigneurie de Portneuf aux Ursulines de Québec) installe un moulin à scie sur la rivière Portneuf et expédie son bois vers les chantiers d’Angleterre.
 
Suite à un accident, en 1811, John Coltman perd la vie et c’est son frère William Bacheler qui reprend l’affaire. En 1812, il s’associe avec l’homme d’affaires Edward Hale pour former la société Coltman and Hale qui reprend le bail emphytéotique. Au début des années 1920, un grand nombre d’Irlandais arrivent à Québec et s’installent sur des terres aux alentours de Québec, entre autres dans le secteur de Stoneham et de Saint-Patrice-de-Beaurivage. Edward Hall concède lui aussi des terres aux nouveaux arrivants.
 
À l’époque, bien que les terres en bordure du fleuve soient bien développées, il n’y avait que le rang de la rivière Belle-Isle qui créait une trouée dans l’épaisse forêt plus au nord de la seigneurie. Quelques familles irlandaises s’installent alors à l’extrémité du rang de la rivière Belle-Isle, dans le bas du nouveau rang de la Chapelle, à un endroit que l’on nomme Halesborough. À cet endroit, une chapelle protestante est construite. Elle s’y trouvera d’ailleurs jusqu’en 2005, avant d’être incendiée par un pyromane. Hommes, femmes et enfants arrivent donc sur des terres d’une centaine d’arpents à la fertilité douteuse qu’ils doivent d’abord défricher et essoucher. Ils se bâtissent des habitations avec le bois de leurs terres. Malgré l’isolement, leur connaissance parcellaire du pays, le manque de moyens ainsi que la voracité des mouches, ils parviennent à survivre tout en cultivant un potager et en vendant leur bois au moulin de Coltman and Hale. Pour trouver des revenus supplémentaires, certains pères de famille vont travailler à Québec, entre autres comme dockers dans le port.
 
Au milieu des années 1820, on trouve une dizaine de familles dans le secteur. Même si le blocus de Napoléon est levé depuis longtemps et que le grand conquérant corse est mort et enterré, les acheteurs pour le bois du moulin de Coltman and Hale ne manquent pas. En 1826, William Coltman trépasse et Edward Hale devient le seul actionnaire de la compagnie et seigneur emphytéotique de la seigneurie. Il sait que des forêts vierges contenant une abondance de bois de qualité s’élèvent dans le nord de ses terres, de l’autre côté de la rivière Sainte-Anne. Il planifie donc le développement d’un nouveau rang parallèle au rang de la Chapelle, pour rejoindre la rivière: la route d’Irlande. De nouvelles familles irlandaises protestantes viennent alors s’y installer. Même si on n’y trouve plus d’habitation aujourd’hui, on peut encore y voir d’anciens solages de pierres recouverts de mousses et envahis par les ronces.
 
Aux détours des années 1930, des familles canadiennes-françaises commencent à venir s’installer dans les rangs nouvellement développés. La bonne entente règne entre les deux communautés qui n’hésitent pas à s’entraider et à partager leurs traditions. En fait, catholiques et protestants s’entendent si bien que l’évêché de Québec voit d’un très mauvais œil leur cohabitation. Il émet même une interdiction formelle aux catholiques d’assister aux mariages protestants, interdiction qui sera bien sûr très peu respectée…
 
Au plus fort de l’occupation irlandaise dans ce secteur, aux alentours de 1860, une cinquantaine de familles y habitent. Toutefois, suite à la mort d’Edward Hall en 1862, les enfants et petits-enfants des colons irlandais choisissent en grand nombre de s’exiler. Plusieurs se dirigent vers le village de Portneuf, à Québec, aux États-Unis et vers le nord de l’Ontario.
 
Aujourd’hui, la communauté irlandaise de Portneuf est toujours vivante. On peut toujours y trouver des Kenny, Kingsborough, White, Meehan, Buist et autres. Grâce à un métissage avec la société canadienne-française, l’héritage irlandais est toujours vivant. Sa contribution la plus notable est sans aucun doute la tradition du tambour à mailloche, le bodhran, un instrument originaire d’Irlande et qu’on ne trouve au Québec que dans le comté de Portneuf.
 
Alors que se poursuivent les Fêtes du 150e de Portneuf, l’exposition photo «Portneuf en hiver» qui se tient à l’Hôtel de Ville laissera la place, le 22 avril prochain, à «Portneuf au printemps». Pour ceux qui voudraient en apprendre plus sur l’histoire de la ville de Portneuf, le comité Portneuf 1861 travaille actuellement à un ouvrage qui offrira un vaste panorama de l’histoire de la paroisse. Ce volume devrait être prêt pour une parution au mois d’octobre prochain.

Cet article s’inspire de conversations avec M. Pierre Gignac, histori
en local et président du comité Portneuf 1861.

 
 

La chapelle de Halesborough

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