Histoire d'Abélard Germain, suite et fin

Histoire d'Abélard Germain, suite et fin

Dans le cadre de nos capsules historiques hebdomadaires, nous publions la deuxième partie de l’histoire d’Abélard Germain, racontée par sa fille Yvette Germain et telle que nous l’a fait parvenir M. Martin Naud de Repentigny.

 
Ayant maintenant terminé l’ouverture de la carrière de granit, mon père avait encore en tête d’autres projets en 1945: "Il faut maintenant penser aux journaliers car eux aussi, ils ont besoin de travailler pour faire vivre leur famille". C’est alors qu’il est parti pour Chicago se renseigner et acheter deux "moulanges" pour broyer les déchets de pierre et une autre machine pour emballer les sacs. C’était pour faire une entreprise du nom de Calco. La grosse machine faisait un wagon à l’heure.
 
Il a obtenu du Canadien National un train par jour, spécialement pour lui, qui irait livrer le Calco dans toute la province. La Compagnie Calco était unique au Canada. La compagnie payait $10,000 par mois de "fret". Dans ce temps-là, c’était beaucoup d’argent…
 
À Saint-Marc-des-Carrières, M. Bélanger, agent du Canadian National Railway lui dit: " Tu ne pourras jamais obtenir tout un train pour toi seul, si tu l’obtiens je lèverai mon chapeau". Il l’a obtenu.
 
Mais pour pouvoir livrer le Calco dans toute la province de Québec, il fallait absolument faire une jonction à Garneau qui unirait les deux compagnies de chemin de fer, car le Canadian National et celui du Canadian Pacifique ne vont pas dans la même direction; par l’entremise du C.N. mon père l’a obtenue! C’était beaucoup de choses à demander mais, pour les compagnies, c’était très avantageux monétairement.
 
Quand M. Maurice Duplessis était premier ministre de la Province de Québec, mon père voulait avoir un octroi du gouvernement pour l’industrie du Calco. Il a demandé à l’agronome M. Auger, de Saint-Augustin, pour avoir un rendez-vous avec M. Duplessis et préparer le terrain pour expliquer à quoi servirait l’industrie du Calco. Il a obtenu ce rendez-vous avec M. Duplessis. Mon père était un franc libéral. En plus, il était président du parti libéral. Il a expliqué ce qu’il voulait faire avec les déchets de pierre pour engraisser les terres, aussi rendre les terres plus fraîches. C’était très avantageux pour les terres du Bas-du-Fleuve, et toutes les terres sablonneuses. Le Premier Ministre a dit: "M. Germain est un bourreau de travail et je suis fier de lui accorder l’octroi de $25,000 sans remboursement, même s’il n’est pas de mon parti…il le mérite bien."
 
M. Duplessis a dit la vérité car Abélard Germain était un homme très actif. Il est mort à 59 ans et 6 mois en 1946, et il avait donné sa vie au travail. Mon père disait souvent: " Si Dieu m’a donné dix talents, il faut que je les fasse fructifier, car un jour Dieu me demandera compte de mes talents". Sa mère lui a donné l’exemple d’être bonne et généreuse puisqu’elle a pris 10 orphelins en adoption dans sa famille. La principale qualité de mon père était sa générosité. Il ne perdait jamais sa chance d’aider quelqu’un, soit par de l’argent ou encore par des conseils de toutes sortes. Je sais qu’il a aidé beaucoup de monde à se partir en affaire, comme M. Sébastiano Aiëllo de Montréal. Ce dernier m’a raconté qu’il lui avait acheté toute une bouteille de champagne, il avait payé le gros prix en signe de reconnaissance. Mon père a refusé en lui disant: "Garde-la, tu la prendras à ma santé car je ne bois pas". M. Aiëllo m’a dit: " Je suis resté bien surpris de savoir cela". Mon père avait un mode de vie bien à lui. Sa devise était ceci: "Ça prend toute une vie pour faire une réputation et une seconde pour la perdre". Il disait également: "Les affaires et la boisson ne marchent pas ensemble". De son vivant, il ne manquait jamais une fête de la Sainte Vierge; même en voyage il allait à la messe. Quand il avait des contrats il payait à ma mère des catéchismes pour les Pères Blancs. Le dimanche était consacré à sa famille car c’était pour lui un devoir d’être avec les siens. Les autres jours étaient pour le travail.
 
La veille au soir de sa mort il m’a dit: " Je voudrais vivre encore six mois pour tout terminer". Il voulait ouvrir la mine. Il avait acheté une scie à diamant qu’il avait payée $300.00 pour pouvoir prendre un échantillon de la carrière Deschambault Quarry avec son cousin Léo Germain qui était ingénieur minier dans ce temps. Il a envoyé l’échantillon en France et ce n’est qu’après sa mort en 1946 qu’on a eu le résultat. Ils ont trouvé de la pierre à chaux, de la platine et même de l’or.
À Perthuis, il voulait ouvrir une manufacture de joints avec les déchets de bois franc car lorsque les meubles sont de grande qualité, aussi les planchers, on se sert de joints à la place des clous…Malheureusement, il n’a pas eu le temps de réaliser ses projets…Dieu est venu le chercher avant… le 18 décembre 1946.
 
En 1946, M. l’Abbé Bourbeau, avait demandé de l’aide financière pour son église et la compagnie de mon père lui donna un orgue. Chose étonnante, l’orgue fit résonner ses premières notes pour les funérailles de mon père, comme pour marquer la fin d’une vie remplie de travail, au service de sa famille et de ses concitoyens. C’était vraiment la fin d’un homme d’action, laissant derrière lui une famille éplorée, des amis attristés et sans doute un commerce florissant et une compagnie en plein épanouissement.
 
On dit souvent que le passé est garant de l’avenir. C’est peut-être une invitation à cette jeunesse qui se cherche, de relever le défi et de travailler comme ces bâtisseurs de pays, pour le grand défi qu’est la vie".
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