Les ouvrages de Portneuf ou la pierre dans tous ses éclats

Les ouvrages de Portneuf ou la pierre dans tous ses éclats

Après avoir célébré le savoir-faire textile des artisanes des Cercles de Fermières, l’an dernier, Les ouvrages de Portneuf viennent de mettre en valeur celui des travailleurs de la pierre. Visite dans des carrières et des ateliers de taille de même que démonstration et conférence portant sur les pots à tabac de Saint-Marc et l’art funéraire ont fait la richesse de cet événement.

Entre autres activités qui ont été tenues dans le cadre de la deuxième édition des Ouvrages de Portneuf, l’une des plus populaires a certainement été la conférence La pierre de Saint-Marc dans tous ses éclats. Offerte par Christian Denis, qui est conservateur et directeur des collections et des relations avec les musées québécois aux Musées de la Civilisation, ce rendez-vous a permis à près de cinquante personnes d’en apprendre davantage sur l’histoire de la pierre dans l’ouest portneuvois.

Habilement, M. Denis a jeté les bases d’un intéressant entretien en rappelant que l’histoire de l’ouest de Portneuf est intimement liée à la pierre. À l’aube du dix-neuvième siècle, a-t-il d’abord indiqué, un second front pionnier a permis de découvrir qu’au nord de la seigneurie de La Chevrotière, les terres étaient riches en pierre calcaire. Rapidement, la qualité de cette pierre a été reconnue et son caractère exceptionnel a mené, en 1835, à l’ouverture de la Carrière Deschambault. Si le milieu des années 1800 a ensuite été le théâtre du détachement du noyau du quatrième rang et de la création de Saint-Alban, on retiendra également que c’est à ce moment que l’industrie de la pierre a connu un essor remarquable dans notre coin de pays.

De 1850 à 1860, la production de chaux est certes venue nourrir le développement de l’industrie de la pierre qui, soit dit en passant, a été florissante pendant une centaine d’années. Pour Christian Denis, ajoutons qu’il ne fait aucun doute que l’arrivée du chemin de fer en 1875 et les grandes constructions qui ont été faites à la même époque (hôtel de ville de Québec, palais législatif et églises, entre autres) ont aussi permis aux exploitants de carrières, Beaucage et Châteauvert en tête, de faire de belles affaires. Au moment où l’industrie de la pierre connaissait ses années les plus fastes, soit entre 1880 et 1920, soulignons que ceux qui pratiquaient le métier noble de tailleur de pierre ont vivement milité pour avoir de meilleures conditions de travail. L’envie d’avoir un salaire fixe plutôt qu’à la pièce a notamment mené à la syndicalisation de plusieurs d’entre eux.

Bien qu’on ne puisse résumer en quelques lignes la conférence luxuriante qui a été offerte au Moulin de La Chevrotière, samedi dernier, on ne saurait passer sous silence le fait que 90 % de la population de Saint-Marc dépendait de l’industrie de la pierre dans les années 1930. La tristement célèbre crise économique de 1929 a donc eu un impact important sur cette municipalité. Alors que la pierre a été utilisée pour ériger de grands bâtiments, au cours des années qui ont suivi de la Seconde Guerre mondiale, et que cela a permis à l’industrie de connaître encore de belles années, d’autres matériaux, dont le granit de Rivière-à-Pierre, ont ensuite gagné beaucoup de terrain dans le domaine de la construction. Conséquemment, la deuxième moitié du vingtième siècle a été marquée par de nombreuses ventes et fusions qui ont confirmé le déclin d’une industrie dont l’histoire continue toujours de s’écrire.

Finalement, il est intéressant de mentionner que si le calcaire de l’ouest portneuvois a connu un tel sort, c’est qu’il était très dense, compact et pratiquement imperméable. C’est sans compter qu’il était bien plus facile d’extraire cette pierre que le marbre et que sa durabilité était exceptionnelle.

De l’art populaire à l’art funéraire

Toujours dans le cadre de sa conférence, Christian Denis a raconté qu’outre les blocs qui devaient servir à la construction de bâtiments, les tailleurs de pierre ont fabriqué plusieurs objets dignes d’intérêt. Bien qu’il y en ait très peu sur le marché, les pots à tabac de Saint-Marc, communément appelés tabatières, se démarquent du lot.

Dans la foulée de la crise de 1929, a précisé l’invité des Ouvrages de Portneuf, les tailleurs de pierre ont jeté les bases d’une tradition qui a vu nombre d’entre eux prouver qu’ils étaient également des sculpteurs talentueux. Aujourd’hui très convoitées, les tabatières de Saint-Marc « témoignent d’une grande qualité ». Heureusement, M. Denis s’est assuré qu’elles ne tombent pas dans l’oubli en leur faisant une place dans la collection nationale.

Parlant d’oubli, ce n’est pas sans tristesse que celui qui a découvert la pierre avec les monuments funéraires de Saint-Alban, alors qu’il était enfant, voit aujourd’hui ces « remarquables oubliés » se détériorer. Entre autres, a-t-on appris, les cimetières de Saint-Casimir, Saint-Alban et Saint-Marc sont pour lui des musées à ciel ouvert où les monuments les plus anciens, qui sont aussi les plus originaux, cheminent assurément vers les oubliettes.

Face à ce constat désolant, ajoutons que M. Denis a conclu sa présentation en affirmant qu’il y a une valorisation à faire de la grande industrie identitaire qu’est celle de la pierre. Selon lui, on gagnerait à investir dans la reconnaissance et la renaissance du métier de tailleur de pierre dans la région, l’établissement d’un programme de formation en lien avec le milieu par la Commission scolaire de Portneuf et la pérennisation des témoignages matériels et immatériels.

Les ouvrages de Portneuf

Pour l’organisatrice Jeanne Couture, la deuxième édition des Ouvrages de Portneuf a connu un succès des plus appréciables. Elle tient donc à remercier tous les partenaires qui ont appuyé cet événement qui nous sera de retour l’an prochain. Les plus curieux aimeront regarder les capsules Web qui ont été tournées chez Polycor, Graymont et Pierre et Monuments St-Marc pour l’occasion. Vous les trouverez sur YouTube.





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Dans le cadre des Ouvrages de Portneuf, Alexandre Tardif (à gauche), sculpteur et spécialiste de la taille de pierre et la réfection de bâtiments, a offert une intéressante démonstration.

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Christian Denis a livré une conférence des plus intéressantes au Moulin de La Chevrotière.

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