Prêts à vivre au gré de la neige

Prêts à vivre au gré de la neige

 
Pendant six mois, ils vont vivre en fonction de la météo, sortir pendant les tempêtes de neige et dégager les voies. C’est leur vie de déneigeur. Rencontre avec Israël Faucher de Pont-Rouge et Gérard Légaré de Saint-Raymond. 
 
L’un se trouve à vingt kilomètres de l’autre. Ils ne se sont pas rencontrés. Et chacun de son côté, l’affirme sans détour : « on est prêts. » La neige n’est pas encore arrivée que ces deux hommes, Israël Faucher et Gérard Légaré l’attendent de pieds fermes. 
 
Ils ont les yeux rivés vers le ciel, vers les sites de météo. Leur horloge du temps. « Cela fait cinquante ans que l’on fait de la neige », indique Israël Faucher. Comprenez qu’ils déneigent. Il n’était pas encore né que son père débutait cette petite entreprise dans le Grand Capsa. Raymond Faucher, agriculteur, a imaginé ainsi rentabiliser son tracteur et le faire tourner ainsi l’hiver. Il démarre avec son petit tracteur non équipé de cabine. « Il n’avait qu’une soute et un casque de Ski-Doo. » 
 
A vingt kilomètres de là, Gérard Légaré sourit. « Mon père aussi a démarré ainsi. » Les histoires se lient. Le père de cet habitant de Saint-Raymond, lui-même agriculteur se lance dans le déneigement avec cette même volonté de faire tourner le tracteur l’hiver. Avoir une activité alors que la terre a revêtu son lourd manteau blanc d’hiver. 
 
« Ce n’est pas facile comme métier », avouent les deux fils d’agriculteurs. Leurs paupières s’abaissent une fraction de seconde comme sous le poids du labeur. Et pourtant tous les ans, ils se préparent à vivre leur hiver au rythme de la poudreuse. « Je me lève deux à trois fois dans la nuit. Je prends mon camion, je vais voir et je reviens », confie Israël Faucher. En rejoignant son père en 1991 sur l’exploitation agricole et sur le déneigement en hiver, ils ont deux tracteurs qui assurent les tournées pour déblayer les entrées des maisons des particuliers. Aujourd’hui, ils sont rendus à quinze tracteurs et une équipe de 21 hommes. « Quand on a grossi l’exploitation des fraises, il nous fallait plus de tracteurs et donc l’hiver… » le service de déneigement prend de l’ampleur. « Je peux ainsi faire travailler mes gars à l’année. », reprend Israël Faucher. Car dans deux semaines, il n’y aura plus personne dans les champs. Les pick-ups sont déjà au garage où sont installés à l’arrière des sableuses.
 
Direction Saint-Raymond. Gérard Légaré pousse la porte en bois de son hangar fraîchement agrandi. Ses quatre tracteurs sont là avec pour trois d’entre eux, des chaînes sur les roues. « Je suis obligé car là où je vais déneiger, essentiellement autour du lac Sept-Îles, c’est pentu. On ne passerait pas la côte ou on rentrerait dans les habitations quand elles se situent en bas de la côte. » Il sourit. Cet agriculteur à la formation de forestier avoue se sentir plus déneigeur.  « C’est notre grosse activité. J’ai quatre employés alors que le reste de l’année, je suis tout seul. »  Des saisonniers qu’il a du mal à trouver. Il a fait la tournée des clients avec eux pour repérer les lieux, voir si les balises étaient installées dans les entrées. « Parfois, j’en rajoute pour être sûr de ne rien briser. Je préfère les balises en bois comme ça si elles tombent et qu’elles partent dans la souffleuse, ça ne la brise pas. Celles en métal, c’est fini. » Autant de petits aléas auxquels il pense. 
 
« Il faut être un peu fou, on l’est »
 
« On a une unité mobile, si on brise, mon mécanicien vient directement sur place », lance Israël Faucher. La petite entreprise a prévu les choses en grand pour assurer ce service « public ».  « Les gens ne se rendent pas compte… »  Dès qu’il tombe cinq centimètres de neige, les quinze tracteurs sortent de la fraisière Faucher à  1 heures du matin pour se rendre sur les différents secteurs de Pont-Rouge et déblayer. Déblayer, déblayer, souffler, souffler. « À six heures du matin, il faut que toutes les cours soient ouvertes. » Place ensuite à un second passage. « Pendant le gros hiver de 2008/2009, j’ai fait 1200 heures dans mon tracteur. » Pause. « Il faut être un peu fou, on l’est. C’est une passion que l’on fait. On est né comme ça. » Preuve en est, son père Raymond continue de faire des tournées du haut de ses 67 ans avec son petit tracteur vert désormais équipé d’une cabine chauffée.
 
« La concurrence est rude. Vous savez en 1991, quand j’ai commencé, le tarif pour la saison était de 180 dollars, en 2000, on est passé à 200 dollars et en 2008 jusqu’à aujourd’hui, on est à 250 dollars. Un tracteur aujourd’hui, vous n’avez rien en dessous de 125 000 dollars. » Le calcul est rapide. « C’est surtout un service rendu et pour que mes gars travaillent toute l’année. »  L’un deux assure un service de garde, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. « On a aussi un tracteur pour la ville de Pont-Rouge qui fait les trottoirs et élargit les rues. On fait les commerces… » 
 
Du côté de chez Gérard Légaré, la cour est plus petite, la clientèle moins nombreuses et la concurrence absente. «  C’est mon secteur qui dissuade. », affirme-t-il, lui qui entame son trente et unième hiver. « On ne sait jamais à quoi s’attendre. On prend nos journées de congés quand il fait soleil. On n’a pas le choix. Il faut être disponible… » Regard croisé à distance. « Même si cela tombe un jour de Noël,  un samedi ou dimanche, il faut être là. » Au gré de la neige.


Israël et Raymond Faucher


Un tracteur de Gérard Légaré en plein déneigement

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